L'IEF, c’est bon pour les enfants
Derrière ce titre un peu provocateur, je voudrais répondre à M. Blanquer qui n’a d’autre argument que l’affirmation martelée : L’école c’est bon pour les enfants.
Je ne me permettrais pas de clamer que l’instruction en famille est bonne pour les enfants parce que ça ne veut rien dire, lancé comme ça, tout seul ; tant de facteurs entrent en jeu que cette affirmation seule est bien simpliste et réductrice. Il en va de même pour l’école : si elle peut être positive pour certains enfants c’est loin d’être une généralité. Selon une étude datant de 2010, menée par l’AFEV (Association de la Fondation Étudiante pour la Ville), 3/4 des élèves du secondaire n’aiment pas aller à l’école, 65 % ont une peur récurrente de l’échec et presque 70% ne comprennent pas toujours ce qu’on leur demande de faire dans leur leçons.
On peut aussi parler du harcèlement scolaire. 700 000 élèves seraient harcelés chaque année ! Avec des conséquences plus ou moins graves : certains se trouvent peu à peu en échec scolaire alors que d’autres souffrent de traumatismes plus profonds (angoisse, dépression, troubles du sommeil, phobie…) pouvant les amener à choisir la mort…
Le 9 décembre dernier, le député Grégory Labille a organisé une visio pour donner la parole aux enfants en IEF. Ils.elles ont été plus de 60 à témoigner pendant près de 6h. J’ai été très émue par de nombreux enfants qui ont raconté leurs souffrances à l’école, les difficultés, la phobie, la maltraitante, le harcèlement… amenant leurs parents à choisir la déscolarisation pour leur permettre de revivre, de guérir et de pouvoir apprendre à nouveau sans avoir peur.
Je vais arrêter là les chiffres et la médisance sur l’école, car ce n’est pas comme cela que j’aime fonctionner. Il n’y a aucun intérêt à dévaloriser ou écraser ceux qui ne font pas les mêmes choix que nous. Ça ne nous fait pas grandir, ni paraître mieux ou meilleurs. Mais j’avais besoin de le dire, pour affirmer que NON, on ne peut tout simplement pas clamer haut et fort que l’école c’est bon pour les enfants dans le but de valider l’interdiction de l’IEF, sans se pencher à minima sur ce que fait réellement l’école et aussi sur ce qu’elle ne fait pas. Et puis si l’école est si bonne que ça pour les enfants, pourquoi a-t-on besoin de la rendre obligatoire ? Ça pose question quand même…
L’histoire de la liberté, c’est l’histoire des limites du pouvoir de l’état.
– Thomas Woodrow Wilson
Chez nous ce n’est pas la souffrance de nos filles à proprement parlé qui nous a poussé à les déscolariser (même si elle était en latence) c’est surtout notre volonté de leur offrir la possibilité de prendre en main leur éducation, leur vie, librement.
Je sais que ça peut paraître utopique. Un enfant… ? Prendre en main son éducation ? Comment pourrait-il choisir pour lui-même son éducation alors qu’il n’a pas encore reçu assez d’éducation pour être en mesure de faire de bons choix ? Pourtant ce n’est pas si utopique que ça que de vouloir grandir en ayant la liberté d’être soi-même, de développer sa personnalité sans devoir entrer dans un moule rigide, de préserver et développer sa confiance en soi. C’est le choix que nous avons fait en empruntant le chemin de l’instruction en famille.
Nous ne pouvons pas nous vanter de faire mieux que l’école car nous faisons différemment ; nous n’avons pas les mêmes objectifs ni les mêmes façons de faire, nous avons choisi une autre voie.
Nous voulons valoriser tout autant le travail manuel et artistique que le travail intellectuel et permettre à nos filles de s’instruire dans les domaines qui les passionnent plus que dans les autres si c’est leur choix. Qu’elles puissent faire du dessin, de la couture, du travail du bois, du skate, de l’écriture… si c’est ce qu’elles ont envie de développer. N’importe quel talent a de la valeur et participe à l’épanouissement d’une personne, et par ce biais de la société. Nous faisons ce choix pour que nos filles trouvent leur voie sans penser qu’elles ne sont pas assez bonnes dans ceci ou cela, sans qu’on les mette dans des cases. Nous faisons aussi ce choix pour qu’elles grandissent au cœur de la société, et non pas à côté, dans une salle du matin au soir. C’est ironique ce qu’on nous reproche tout de même, de séparer nos enfants de la société (ça c’est écrit dans l’étude d’impact sur le projet de loi confortant les principes républicains), alors que c’est à l’école qu’ils sont enfermés sans avoir le droit de sortir ! Les nôtres sortent quand ils le souhaitent, il n’y a pas de gardien devant notre porte, elle est ouverte sur le monde et sur leur liberté. Et probablement plus que tout le reste, c’est cette liberté qui dérange, et le fait peut-être que nous faisons le choix d’élever des enfants indépendants. Ça fait peur à un gouvernement qui ne sait plus comment gouverner. Il faudrait pourtant regarder l’avenir, dont nous avons bien du mal à cerner les contours en ce moment. De quoi avons-nous besoin pour reconstruire un monde harmonieux, heureux, respectueux ? De jeunes ouverts, capables de s’adapter, autonomes et ayant une grande confiance en leurs capacités et en leurs talents quels qu’ils soient, qui se respectent et se soutiennent les uns les autres.
Alors pour cela nous imaginons une “école” dont le but principal est d’instiller le désir d’apprendre, de préserver la curiosité ; un lieu où chacun est libre de s’exprimer et de poser n’importe quelle question sans être jugé ; un lieu où chacun peut développer sa créativité, où chaque individualité est respectée pour ses propres talents et sa personnalité… une “école” où les enfants apprennent à trouver de la joie dans le processus d’apprentissage (au lieu de considérer les études comme une forme de souffrance à laquelle ils veulent échapper) et découvrent de quelle façon ils préfèrent apprendre. Nous imaginons une “école” où chaque enfant peut choisir librement ce qu’il veut étudier, une “école” dont le but est que chacun comprenne ce qui le passionne et le fait vibrer, où chacun apprend d’abord à se connaître pour pouvoir aller vers les autres et agir dans la société.
Mais aujourd’hui pour que cette réalité qui est la nôtre puisse continuer d’exister nous devons nous battre… L’instruction en famille est menacée de disparition.
ps: Alors que j’écrivais cet article, j’ai croisé le témoignage d’une jeune fille de 12 ans. Elle a envie qu’il soit lu et diffusé pour que tout le monde comprenne que NON, l’école, ce n’est pas toujours bon pour les enfants.
C’est à lire ici. Merci Tâm pour ce témoignage très touchant.