Le goût de l’effort
Et hop! Un nouveau mois de septembre et une nouvelle année sur le chemin de l’éducation libre et lente que nous avons choisie. Mais si le chemin est beau, il est ardu et la réflexion est permanente.
En regardant en arrière sur nos 5 années d’instruction libres parcourues, je suis heureuse de tout ce que cela nous a apporté, malgré les hauts et les bas, les difficultés et les doutes.
Et si chaque année a été dans l’ensemble plutôt réussie, je n’arrive pas à simplement reproduire ce que nous avons déjà vécu et continuer en ligne droite. J’ai besoin de changer, d’évoluer, de progresser… mais vers quoi ? Peut-être vers un idéal d’éducation que je n’arrive pas moi-même à percevoir. Existe-t-il ? Peu importe en réalité, qu’il existe ou non. D’ailleurs je pense qu’il ne peut pas exister, pas plus que les parents idéaux n’existent. Mais tendre vers quelque chose, être toujours en mouvement est ce dont j’ai besoin.
L’instruction en famille nous a ouvert un espace de liberté que nous avons accueilli les bras grands ouverts et les yeux pétillants, faisant fi des programmes et des recommandations de l’Éducation Nationale. D’années en années, nous avons savouré cette liberté et ce sont les apprentissages autonomes qui ont petit à petit guidé nos journées et notre découverte du monde.
Je suis persuadée que c’est une merveilleuse manière d’apprendre, qui est naturelle et ne déconnecte pas l’enfant de qui il est. Il forge sa connaissance tout en apprenant à se connaître.
Toutefois, il me semble qu’un aspect essentiel est plus difficile à faire germer chez nos enfants aujourd’hui, dans la société actuelle: c’est la question du travail difficile, de l’effort et de la persévérance. J’ai parfois le sentiment, en observant les filles, qu’elles étaient plus tenaces et persévérantes quand elles avaient 2 ou 3 ans !
Je me pose la question, et peut-être n’y aura-t-il pas de réponse dans ce post : Comment aider nos enfants à s’attaquer à des choses difficiles, compliquées, à ne pas avoir peur de relever des défis et des challenges ?
En suivant leurs propres intérêts et passions, en travaillant à leur rythme, mes filles ont beaucoup appris sur elles-mêmes et sur le monde, de même que l’autonomie et l’indépendance (indépendance des idées et indépendance du caractère), mais elles ont eu peu d’occasions de tester et d’exercer leur persévérance face à l’effort et à un travail ardu. Du moins c’est ce qu’il me semble, mais je ne vois pas tout !
La société actuelle, même lorsqu’on fait attention comme chez nous, sollicite sans cesse nos enfants. C’est devenu facile pour un enfant moderne d’éviter l’ennui ou le sentiment de vide. Le divertissement est accessible facilement, rapidement, avec des satisfactions immédiates à la clé. Ce qui amènent malheureusement les enfants à se détourner de ce qui est ardu et à rechercher la nouveauté pour ne pas s’ennuyer. Le monde consumériste a d’ailleurs grand intérêt à encourager cet esprit « zappeur » des enfants et leur goût pour le divertissement.
Je pense que c’est notre devoir de protéger un peu nos enfants de ce monde qui va toujours plus vite et qui sollicite sans cesse, au risque qu’ils ne supportent plus du tout l’effort et la difficulté.
Évidement, il n’est pas question de forcer mes filles à apprendre quoi que ce soit simplement parce que j’ai décidé que ça serait bon pour elles, ni de les contraindre à un travail long et complexe qu’elles n’auraient pas choisi. Ce serait totalement improductif pour elles et néfaste pour notre relation !
En revanche, je pense que c’est à nous adultes, de nous faire « passeurs de culture » pour nos enfants et de construire pour eux un environnement riche et stimulant ainsi que porteur de valeurs. C’est mon rôle de proposer à mes filles d’explorer des sujets qui, spontanément, leur paraissent loin de leurs préoccupations ou de leurs goûts. Sans forcer, sans un enseignement vertical et dogmatique, j’espère accompagner mes filles à la découverte des vertus de la rigueur et de l’effort dans le travail.
Je pense que cela passera avant tout par l’exemple que, nous parents, leur donnons.
Lorsque les éditions Nathan me proposent de travailler sur un coffret sur les dinosaures, je m’attèle à la tâche et pendant 6 mois j’apprends, je lis, je découvre et je creuse dans le monde des dinosaures. Ce n’est pas un sujet qui me rebute, évidement, sinon, je n’irais pas dans cette direction, mais ça n’est pas non plus un sujet de prédilection, comme le peuvent être les oiseaux (qui sont pourtant liés aux dinosaures !). Toutefois, une fois que le travail est démarré, que j’ai commencé à me documenter, que de nouvelles questions arrivent sans cesse, ma curiosité est piquée, ma persévérance est nécessaire et mon gout de l’effort est essentiel pour arriver au bout d’un projet comme celui-ci. Car même en travaillant avec un paléontologue, il m’a fallu apprendre tout un tas de choses que je ne savais pas, laisser infuser ces informations, faire du tri, pour pouvoir ensuite imaginer comment les présenter dans un coffret pour les enfants, avec l’idée non pas de leur servir un savoir pré-mâché, mais de susciter leur curiosité et leur envie d’en savoir plus.
De même lorsque Wild + Free me propose de donner une conférence en anglais sur mon expérience de l’instruction en famille, je dis oui et je fonce. J’ai travaillé mon anglais durant des mois avant la conférence, j’ai dis et redis mon texte pour perfectionner ma prononciation, je me suis inscrite à un groupe de discussion en anglais tous les samedis matin. J’avais peur de ne pas être à la hauteur, mais je l’ai fais quand même.
J’espère que les filles voient cela et comprennent que pour parvenir à un résultat, parfois ça n’est pas facile, et qu’il ne faut pas baisser les bras trop vite. Avec de l’ardeur au travail, de la volonté et de la persévérance, on fini par y arriver ! Et puis si on se trompe, si on se plante, on a au moins le sentiment d’avoir fait de notre mieux et d’avoir appris beaucoup en chemin.
Mais tout ça, je ne peux pas le leur dire avec des mots. Ça sonnerait comme une leçon de morale inefficace. Je ne peux que leur montrer l’exemple et les soutenir dans leurs efforts lorsque les choses se corsent un peu.
J’espère et je pense que l’instruction libre aident nos enfants à oser s’attaquer à des choses difficiles. Quand nous faisons quelque chose que nous aimons nous sommes plus enclin à faire des efforts. L’amour est le meilleur des carburants. C’est d’ailleurs le carburant de tous les parents qui font un travail difficile chaque jour sans baisser les bras !
Merci de me lire ♥️
Eve