Nettoyage de printemps
Deux petits événements rapprochés m’ont donné à réfléchir et envie d’écrire ce billet.
D’une part, Liv, qui me dit au goûter : « Maman, la table est jolie comme ça, tu pourrais faire une photo, pour la mettre sur Instagram » (Elle se fait toujours un plaisir de dresser une jolie table).
Et d'autre part une amie qui raconte sa maladie, et un détail me fait tilt : elle va utiliser son téléphone portable moins souvent car le tenir dans la main lui est nocif. De ce fait, elle va devoir prendre du recul par rapport à Instagram… ce petit outil qui nous attire sur notre téléphone portable.
Toutes les deux m’ont donné envie de m’éloigner de cet engin, car malade ou non, il n’est bon pour personne. La bonne nouvelle est que pouvons tout à fait vivre sans Instagram ! En fait, à quoi ça sert ? Qu’est-ce que nous ça apporte ?
Quand j’ai commencé à poster des images sur Instagram, j’y ai vu un outil bien sympathique pour publier rapidement des photos que j’aimais bien, mais qui n’avaient pas forcément leur place sur mon blog en accompagnement d’un billet. Je l'ai vu comme un portfolio. Même si la photo n'est pas mon métier, on ne fait pas des photos pour qu'elles restent sur un disque dur.
Plus tard j’y ai vu le moyen de rejoindre une communauté de parents comme moi — homeschoolers – pour partager, avoir des idées, des encouragements, une ouverture sur d’autres pratiques… C’est d’une richesse incroyable et c'est un moyen d’accéder rapidement à un contenu adapté (une fois les comptes qui nous intéressent sélectionnés).
Et de fait, grâce à Instagram, j’ai trouvé cette communauté. J’y ai participé, notamment avec l’écriture d’articles pour Wild and Free, dont j'ai déjà parlé. J’ai parfois rencontré en chair et en os, des personnes connues via Instagram. Ça c’est le côté magique, comme se faire des amis en Angleterre et aller les voir à chacun de nos voyages, trouver des correspondants dans le monde entier... ou tout simplement rester en contact avec des amis quand on a déménagé.
Donc pour moi Instagram est avant tout un lieu de rencontres et de partage d’idées, qui a cependant des revers. Car on s’y accroche un peu trop. On y revient. Trop souvent. Et on s’y perd. On y perd notre temps, un temps que l’on pourrait passer en vrai, avec les vrais gens qui sont avec nous à ce moment-là.
Il y a aussi un côté « formatage » qui me dérange : tous les enfants habillés des mêmes marques à la mode, tous les intérieurs qui finissent pas se ressembler, les mêmes tables avec les mêmes mets joliment présentés…
C’est vrai que ça donne envie, d’accéder à cet ordre, à cette beauté !… mais en même temps quel intérêt si tout cela n’est pas « vrai », si c’est une mise en scène. Si le temps d’une photo on a arrêté la vie chez nous. Debout sur la table au-dessus des enfants à tenter de prendre un cliché faussement vraie d’un goûter faussement improvisé. Quel message donnons-nous à nos enfants ? Que chaque instant de leur vie est à mettre en scène et à partager avec le monde entier ? Que ces moments de leur vie sont consommables ? notés par le nombre de "j’aime" qu’ils recevront ? bof…
C’est vrai que si nous avons dressé une belle table pour notre goûter (ce qui arrive souvent, mais pas chaque jour), j’ai parfois envie de faire une photo. Toute autre situation est valable aussi. Mais c’est en premier lieu pour le plaisir de la photographie ; parce que la lumière me plait, parce que le mélange des couleurs sur la table attire mon oeil et ma sensibilité, parce que l’ambiance particulière de ce moment me touche… Je ne dresse pas une table pour Instagram (ni pour la photographie d’ailleurs) mais pour embellir notre vie de ces petits moments particuliers, qui mis bout à bout tissent un joli collier de souvenirs palpables et succulents. Si l’image termine sur Instagram, alors elle sera partagée avec d’autres, qui pourront peut-être percevoir ce que j’ai perçu à ce moment-là, de cet instant et tout ce qu’il contenait : simplicité, partage, amour et beauté.
Mais je reconnais le piège d’Instagram. Une fois le pied dedans, Instagram nous aspire. Le besoin d’y revenir, de publier une autre image… l’attirance… l’envie de voir où en sont les autres. Y-a-t-il quelque chose de nouveau ? La "peur" de rater quelque chose…. Invraisemblable tout cela ! Il faut se rendre à l’évidence. Et il faut bien faire attention de ne pas tomber dans le panneau et se rappeler à l’ordre quand on dérape.
Visiblement pour que ma fille veuille prendre en photo notre table du goûter pour la mettre sur Instagram, c’est qu’à un moment j’ai dû déraper…
Attendez-vous donc à une diminution des mes images prochainement, car je vais entrer dans une phase de distanciation. Un recul et une réflexion sont nécessaires pour utiliser ce média avec raison.
Toutes ces petites minutes que l’on passe dans une journée, à faire défiler des images, additionnées les unes aux autres font immanquablement des heures (des jours ?) en moins sur toute année. Des heures, des jours, que l’on ne passe pas avec les gens qui sont là près de nous, pour de vrai.
Toutefois, je n'oublie pas que je dois à Instagram nos amis en Angleterre, nos échanges de maisons, des rencontres enrichissantes et même du travail. J’y ai découvert également de nombreux outils pour accompagner notre instruction libre. De ce point de vue là, c’est somme toute un outil bien serviable. Il est d’ailleurs le seul outil communautaire que je consulte régulièrement. Je ne vais jamais sur FB, je ne lis que très peu de blogs, je ne consulte pas Twitter, je n’utilise pas Snapchat… je surfe pas sur Youtube… et j’en oublie certainement. Et il doit même y en avoir que je ne connais pas ! Avouez qu’il y a de quoi avoir le tournis si on se laisse tenter par toutes ces propositions, car elles sont toutes conçues avec l’idée de créer du manque ; la peur de rater quelque chose, et le plaisir quand on y revient, de recevoir des "like", des "j’aime", des vues ou des commentaires… toujours plus d’amis, toujours plus d’abonnés…
Notre cerveau s’habitue à ce plaisir facile et en redemande. C’est simple, attirant et c’est fait pour qu’on y revienne.
Je n’ai pas envie que mes filles me voient comme une esclave de mon téléphone et de cet outil, aussi sympathique soit-il. Je suis plus forte que cette tentation et je peux leur montrer comment en tirer profit tout en ayant une attitude critique vis à vis de ce choix de publier des images.
Car après tout, pourquoi je publie ?
Je n’ai pas la réponse. Là tout de suite, elle ne me vient pas. Pas clairement en tout cas. Je vais devoir y réfléchir et peut-être verrez-vous le résultat de cette réflexion dans mes prochaines images.
Si ça vous intéresse, c'est là que ça se passe : @evelivemy